1754-11-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.

Qu'ai-je été chercher à Colmar?
Je suis malade, mourant, ne pouvant ny sortir de ma chambre ny la soufrir, incapable de société, accablé, et n'ayant pour toutte ressource que la résignation à la destinée. Que ne sui-je auprès des deux saintes de l'ile Jar?

Je remercie bien madame de Brumath de l'honneur de son souvenir, et du chastellet, et de la comédie de Marseille et de la liberté grecque de cet échevin héroique qui a la tête assez forte pour se souvenir qu'on était libre il y a environ deux mille cinq cent ans. Oh le bon temps que c'était! Pour moy je ne connais de bon temps que celuy où on se porte bien. Je n'en peux plus. O fonds de la boete de Pandore, o Espérance, où êtes vous? Monsieur et madame de Glinglin me témoignent des bontez qui augmentent ma sensibilité pour l'état de mr leur fils. Il n'y a que la piscine de Siloé qui puisse le guérir. Il sied bien après cela à d'autres de se plaindre! C'est auprès de luy qu'il faut aprendre à soufrir sans murmurer. Oh mesdames, mesdames, qu'esce que la vie? quel songe et quel funeste songe! Je vous présente les plus tristes et les plus tendres respects.

V.

Voylà une lettre bien guaie.