à Colmar 29 may 1754
Sur vôtre lettre du 18, mon cher Monsieur, j'ai prié Monsieur Schœpflin de passer chez moi, et de s'arranger avec vous de façon que vous soïez content; car je veux lui faire plaisir, et surtout vous en faire.
Il m'a assuré qu'il vous envoïait par cette Poste une partie des feuilles imprimées de l'Histoire universelle, et qu'incessamment il vous enverrait le reste: moïennant quoi il poura débiter son édition en France, tandis que vous débiterez la vôtre dans les païs étrangers. Je lui recommande de ne point publier son édition avant la vôtre; et afin de vous mettre en état d'aller vîte, et de n'être prévenu par personne, je vous enverrai moi-même les feuilles imprimées, en cas que le sr Schœpflin ne soit pas éxact à vous les faire tenir. Vous pouvez compter sur les marques de mon amitié. Je ne manquerai pas dès que j'aurai achevé mon Histoire universelle, de travailler à vous procurer une nouvelle édition des Annales de l'Empire plus ample, plus correcte, et plus curieuse, en cas que le Public soit un peu content de la première. Ma récompense est d'être aprouvé des honnêtes gens, et de vous être utile: mais je vous avertis que voilà déjà cinq éditions de cet ouvrage; vous prendrez là-dessus vos mesures.
A l'égard de l'édition de mes œuvres en sept volumes, vous savez ce que je vous en ai toujours dit; combien elle est fautive; et à quel point elle est décriée; vous prenez le seul parti qui puisse vous tirer d'affaire. Je m'amuserai à Plombieres à corriger cette édition, de façon qu'à l'aide de douze ou treize feuilles substituées aux plus défectueuses, et pleines d'ailleurs de nouveautés peut-être assez intéressantes, et à l'aide d'une nouvelle Préface, et d'un nouvel avertissement, vous pourez sans beaucoup de frais donner un air tout neuf à cet ouvrage, et le débiter avec quelque succès. Je vous aiderai encor en vous achetant une centaine d'éxemplaires que je vous païerai comptant, et j'en ferai des présents qui en faisant connaître cette édition nouvelle, pouront vous en faciliter le débit. J'aurais déjà pris ce parti il y a longtemps, si le grand nombre de fautes ne m'avait rebuté. Faites-moi réponse, je vous prie, sur tous ces articles; envoiez-moi toujours à la même adresse les livres que je vous ai demandés.
Faites-moi l'amitié de vous informer si Mr David Dumont, Banquier de Genêve, est toujours à Leipzig; c'est un honnête homme avec qui j'ai quelques affaires. Je souhaiterais savoir en quelle posture et en quelle réputation il est: je me recommande sur cela à vôtre amitié et à vôtre prudence.
Je vous embrasse de tout mon cœur. Je suis bien malade.
V.