à Colmar 10 février 1754
Je crains que vous ne soïez malade, mon cher Walther, puisque vous ne me répondez point.
Je vous ai prévenu par toutes les attentions que mon amitié m'inspire pour vous. Dès que vous m'avez paru être dans l'intention d'imprimer cette malheureuse Histoire prétenduë universelle de Jean Néaulme, j'ai fait sur le champ un ample errata que j'ai eu soin de vous envoïer pour rendre votre édition correcte.
Le libraire de Madame la Duchesse de Saxe-Gotha voulait imprimer et débiter les Annales de l'Empire dédiées à sa souveraine. Je viens de l'en empêcher.
J'ai éxigé du sieur Schœpflin, qui a imprimé le premier volume sous mes yeux, et qui imprime actuellement le second, qu'il ne s'adressât qu'à vous, et qu'il s'entendît avec vous à l'amiable pour le débit de cet ouvrage. Il m'a dit qu'il vous en avait dépêché un millier d'exemplaires: j'ai été depuis ce temps-là obligé de faire quelques cartons absolument indispensables pour réparer des fautes de cronologie, qui seraient capables de décrier le livre. J'ai recommandé qu'on vous envoïât ces cartons. J'attends une réponse de vous sur tous ces chefs: je n'ai d'autre intérêt dans tout cela que celui de vous faire plaisir. Si j'avais pû faire mon voyage à Dresde dans la belle bibliothèque de Mr. le Comte de Brüll, je serais moins embarassé que je ne le suis. Il est fort triste pour moi de ne recevoir point de réponse de vous sur l'amitié de qui j'ai toujours compté. Je suis bien malade. Je vous embrasse de tout mon cœur.
Voltaire