1754-06-01, de Voltaire [François Marie Arouet] à Michel Lambert.

Je suis fâché pour vous, Monsieur, que vous aïez fait une nouvelle édition des deux premiers volumes de cet Essay si informe et si défiguré de la prétenduë histoire universelle.
Je ne conçois pas que cette entreprise puisse vous être de la moindre utilité; et je voudrais que vous ne fissiez rien qui ne fût à vôtre avantage. Vous vous êtes servi probablement d'un Errata qu'on envoïa partout à la hâte lorsque les premières édition de cet ouvrage informe parurent: mais cet Errata n'était pas à beaucoup près suffisant.

Je n'ai point voulu donner mon véritable ouvrage qui demande d'être remanié, d'autant plus qu'une grande partie de ces premiers volumes est emploiée dans les Annales de l'Empire.

Je travaille donc tout malade que je suis, au quatrième et cinquième volumes qui iront jusqu'au Siècle de Louis XIV. Après quoi je compte retoucher avec éxactitude les deux premiers Tomes que je tâcherai de rendre dignes du public éclairé. Je serais charmé que mes travaux pussent vous procurer quelque profit; mais je pense qu'il vaudrait beaucoup mieux que vous fissiez une bonne édition de mes Oeuvres de littérature, qui sont assurément bien différentes de celles que vous avez imprimées.

Je serais curieux au reste de voir l'édition nouvelle des deux volumes de la prétenduë histoire universelle. On dit que le tître porte à Colmar, et qu'elle a été imprimée sous mes yeux. Je vous prie de faire que cette fausseté soit suprimée, elle me serait trop préjudiciable. Je compte sur vôtre amitié.

Je vous prie de donner un exemplaire pr moy à made Denis. Je vous embrasse.

V.