Je crois devoir, mon cher Valter, vous envoier la copie ci-jointe de ma lêttre à Jean Néaulme, au sujet de l'abominable édition qu'il a faitte sous mon nom d'une prétenduë histoire universelle.
Si Dieu me donne assez de santé et assez de loisir pour mettre en ordre le véritable manuscript, et pour le pousser jusqu'au Siècle de Louis XIV, vous vous apercevrez à vôtre profit à ce que j'espère de la différence qui est entre mon ouvrage et l'édition absurde de Néaulme.
J'ai été obligé de faire imprimer sous mes yeux, les Annales de l'Empire, parce que je rectifie toûjours beaucoup de choses à mon ouvrage en relisant les épreuves et que l'entreprise d'une histoire entière de l'empire demande la plus scrupuleuse exactitude. J'ai été aidé dans ce travail par Mr. Schoëpflin, professeur d'histoire et par son collègue.
Le sr Schoepflin, libraire à Colmar, à qui j'ai fait présent de cet ouvrage, l'a imprimé conjointement avec son beau-frère, imprimeur à Bâle. Le premier volume est achevé d'imprimer et va se débiter, le sécond est sous presse et sera fini dans six semaines.
Vous me feriez plaisir et je crois que ce serait vôtre intérêt, de vous accomoder avec le Sr Schoepflin de Colmar. Je lui ai dit de vous écrire, il pourait vous envoier une partie de son édition et vous la débiteriez en Allemagne sous vôtre nom en vertu de vôtre privilège, ensuitte si l'ouvrage réussit vous en feriez autant d'éditions qu'il vous plaira. C'est tout ce que je puis vous dire pour le présent, vous me ferez plaisir de me répondre à Colmar. Je vous embrasse.
Voltaire
8 janvier [1754]