à Colmar 7 avril 1754
Vous avez dû recevoir, mon cher Walther, une Préface pour cette édition que vous avez voulu absolument faire de la prétendue Histoire universelle.
Vous savez que je vous envoïai à la hâte un très-ample errata, avant que j'eusse entre les mains mon véritable manuscrit.
J'ai été si indigné de l'édition fautive et répréhensible en tout sens de Jean Néaulme, que je suis résolu de vous donner à imprimer le manuscrit véritable dès que vous pourez vous en charger. En attendant voici, mon cher Walther, les mesures que je prends:
Je mets en ordre et je corrige assidûment la suite de cet Essay sur l'histoire; j'ai déjà de quoi imprimer un troisième volume, le quel servirait à faire vendre vos deux autres; et lorsqu'avec le temps vous auriez vendu vos deux premiers tomes qui sont faits malheureusement sur l'édition de Néaulme, vous donneriez un jour l'édition complette du total. Mais je vous prie de considérer que vous n'avez pas de bon correcteur d'imprimerie pour la langue française. Il faut que je revoïe toujours les feuilles moi-même, et souvent même je change mon propre ouvrage en revoïant l'épreuve. Il faudra donc que je me transporte ou à Gotha, ou même à Dresde, si ma santé me le permet; et là je présiderai à vôtre édition, et je ferai faire tous les tomes l'un après l'autre. Vous vous arrangerez avec vôtre prudence ordinaire, pour faire respecter, autant que vous le pourez, le privilège de l'Empereur et du Roi de Pologne.
Si ma santé ne me permettait pas d'aller à Gotha ou à Dresde, je vous conseillerais en ce cas de faire imprimer l'ouvrage sous mes yeux à Strasbourg. Je choisirais un imprimeur avec le quel vous vous arrangeriez, et je me ferais un plaisir d'être à la fois vôtre auteur, votre correcteur d'imprimerie, et vôtre facteur. Si ce dernier parti était impraticable, il faudrait faire comme on pourait. Schœpflin a dû vous envoïer le second tome des annales de l'Empire. Je crois qu'il y a moins d'erreurs que dans le grand ouvrage du Père Barre; mais je ne le crois pas à beaucoup près si bon que celui de Mr. Pfeffel. Ces annales d'ailleurs sont un peu sèches. L'Essay sur l'histoire universelle est beaucoup plus agréable; et je pou[rai] vous en fournir un tome à chaque foire. Je serais trop heureux, si je pouvais en même temps vous obliger, et confondre le mauvais procédé du sieur Néaulme, en donnant mon véritable ouvrage. Je vous embrasse. Voicy pr les gazettes.
V.