1752-06-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Georg Conrad Walther.

Mon cher Walther voicy le second envoy du siècle de Louis 14 depuis la page 215 jusqu'à la page 310.
Il y a des corrections importantes, mais le reste est encor plus changé. C'est un nouvel ouvrage. Si vous voulez tirer un profit considérable de votre édition, et la vendre avantageusement en France je vous avertis qu'il faut vous hâter. Je vous indiqueray le moyen de la faire entrer, et je vous réponds bien que j'empécheray qu'on n'en débite d'autres. Il serait bon que vous m'envoyassiez les feuilles avant de tirer, car si cette édition est aussi fautive que celle en 7 volumes, elle sera décriée. Il faudrait tâcher d'imprimer à quatre presses. Je vous renverrais les feuilles corrigées avec toute l'exactitude que vous me connaissez. Point d'examinateurs. Imprimez plutôt sous le titre de Berlin.

Vous aurez incessamment le manuscrit qui doit être imprimé au devant du Charles 12, mais l'histoire du siècle m'occupe continuellement.

Il m'est arrivé, ou plutôt à vous, une avanture désagréable. Plusieurs personnes qui avaient retenu de mémoire la plus part des vers de la tragédie de Rome sauvée se sont communiqué les morceaux qu'ils avaient apris par cœur aux représentations. Ils ont supléé au reste comme ils ont pu et ils ont fait imprimer cette rapsodie à Paris. Je l'ay fait saisir, mais il n'a pas laissé de s'en débiter des exemplaires. Je travaille toujours à la corriger et j'y travaille d'autant plus que je la veux rendre absolument différente de la mauvaise édition qu'on en a faitte.

Si vous pouvez m'envoyer le portefeuille de Rousseau vous me ferez plaisir. J'auray un extrême soin de tous vos livres. Je vous embrasse de tout mon cœur.

V.

Acusez moy la réception des paquets.