1750-10-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Georg Conrad Walther.

Si vous n'avez plus qu'un petit nombre d'exemplaires je vous conseille mon cher Walthers de vous en défaire au plutôt, et de commencer à pasques une jolie petite édition que je dirigerai bien plus aisément de Berlin que de Paris, et qui sera infiniment meilleure et baucoup plus curieuse.

Vous avez raison de me dire que si vous corrigiez actuellement ce qui vous reste d'exemplaires, il y resteroit toujours baucoup de fautes, car je vous avoue que malgré toutte la peine que j'ay pris à revoir votre ouvrage je n'ay eu que le temps de réformer une partie des fautes principales.

Il y aura dans L'édition complette que je veux absolument commencer à pâques, baucoup de changements à faire par ce qu'il y a des choses répétées. Il faudra même à ce que je crois, en ajoutant baucoup de pièces nouvelles, retrancher tout ce qui regarde Louis 14, par ce qu'ayant bientôt achevé l'histoire de son règne, vous pourez commencer à L'imprimer avant d'avoir fini L'édition de mes œuvres mélées. Cette histoire faitte sur d'excellens mémoires poura vous être de quelque utilité, et je suis charmé de faire le profit de ceux qui travaillent pour mon honneur. Mais il faudra plus de correction et d'exactitude qu'on n'en a eue dans votre précédente édition.

A l'égard des trois exemplaires que je vous ay adressez, je vous prie de me les faire relier magnifiquement afin que je les puisse présenter icy au roy et aux reines. Je suis dans la nécessité de partir les derniers jours d'octobre pour Paris. Ainsi vous voyez qu'il faut ne pas perdre un moment. Vous me donneriez une mortification très sensible si vous me priviez de l'honneur que je me suis promis de présenter ces trois exemplaires. Il n'y faut point d'armes, il faut seulement une très belle reliüre. Je vous demande avec la plus grande instance de me donner cette marque d'attention. Je vous embrasse et suis tout à vous.

Voltaire
chambellan du roy de Prusse

Avant de recevoir votre lettre, je vous avois écrit et vous avez dû recevoir un paquet au quel je vous prie d'avoir égard.

Je vous prie instamment d'ajouter à l'envoy des trois exemplaires corrigez et reliez, quatre autres exemplaires en feuilles. J'attends cet envoy avec la plus grande impatience.

Ayez aussi la bonté de m'envoyer votre catalogue des livres que vous avez, afin que vous puissiez fournir une bibliothèque à Berlin.