Ce 18 [janvier 1754]
Je reçois ma chère enfant votre lettre du 12 janvier.
Votre état me perce le cœur. Le mien est horrible, et vous croyez bien que tout cecy ne met pas du baume sur mes blessures.
Vous me parlez toujours àprésent de ste Palaye au quel vous aviez renoncé. Vous m'aviez dit que je pouvais choisir une retraitte plus voisine. Vous ne prétendez pas sans doute qu'étant aussi malade que je le suis j'aille me confiner dans un châtau sans aucun secours. Ma seule tendresse pour vous m'empêche de chercher ma consolation ailleurs qu'en France. Au reste je ne crois point qu'il soit mal àpropos de représenter mon état et le vôtre; et puisque j'ay tant fait que de demander à made de Pompadour la permission de venir vous garder un mois, et de me faire traitter, vous pourriez joindre votre requête à la mienne. Vous pouriez écrire deux mots touchants et énergiques, vous pouriez représenter, qu'ayant été deux mois à la mort des suittes de la violence exercée à Francfort, et sachant que je suis dans un état presque désespéré, vous demandez qu'il me soit permis de venir un mois dans ma maison pour me faire traitter, et pour mettre ordre aux affaires de ma famille.
Je vous répète qu'il y aurait trop de cruauté à refuser une chose si juste, et je vous dis encore qu'il faut fatiguer par des prières des dieux dont on dépend.
Cela est bien cruel, et il vaudrait mieux partir sur le champ pour Londres. Mais je vous aime et ce sentiment me fait tout suporter.
Il vaut autant m'écrire en droiture que de cacheter de votre cachet vos lettres à Shœpfling. Si vous avez quelque chose de particulier à me dire, écrivez avec une double enveloppe à mr Dupont à Colmar, et ne vous servez point de vos armes. Je vous demande pardon des paquets énormes que je vous envoye. Ayez la bonté de les envoier à leur destination.
Au nom de dieu que je sache des nouvelles de votre santé.