1754-01-05, de Louisa Dorothea von Meiningen, duchess of Saxe-Gotha à Voltaire [François Marie Arouet].

Vous ne sauriéz Vous imaginer Monsieur combien ces premières feuilles de Vos Amales ont causées des transports de joye et de plaisir; tout ce qui forme ma petite société, se les a arachées tour à tour des mains; l'on a été fâché qu'il y en avoit si peu: ma satisfaction et ma reconoissance ne se laisse comparer Monsieur qu'à l'empressement infini, que j'ai d'en voir la suite; de grâce Monsieur ne me laissée pas languir longtems dans l'attente; cette lettre que Vous adresséz à Votre professeur est charmente: elle est sage et spirituelle, en un mot elle est digne de Vous: voilà ce que j'en dis, ce qu'en dit la grande Maitresse des coeurs et tous ceux que j'ai flattés par cette lecture.

Il est certain que le Manuscrit dont Vous daignâte m'honorer, il y a environ un An͞s est bien au dessus de ce qu'on vient d'imprimer, sous le titre d'Abrégé de l'histoire universelle’ nous en faisons actuellement la lecture en le confrontant avec le manuscript: il s'y trouve quantité d'omissions et des passages auxquels il manque la force et l'énergie qui se trouve dans mon manuscript, que je regarde vraiment come un trésor; ah que n'ai je aussi certain poème, de certaine Jeane d'Arc; je sens bien que mes voeux sont indiscrets et cepandant Monsieur je ne puis m'empêcher de les faire: j'en forme bien d'autres encorres qui ressembles à ceux de la Margrave de Bareuth come deux goutes d'eaux: pour plus d'intelligence il faut que je Vous dise Monsieur, que cette Princesse a demandée au Roi son frère la permission de Vous faire venir chéz elle: je n'ai grâce à Dieu pas besoin de cette permission là, mais les vents du nord et de la forèt de Turinge me font trembler.

La pauvre grande Maitresse souffre prodigieusement, néamoins elle Vous ambrasse bien tendrement: pour moi Monsieur je Vous assure de toute mon estime, de toute mon affection come

Votre très sincère amie et servante

LDdS.