ce 28 d'avril 1759
Votre charmente lettre Monsieur du neuf de ce mois m'est parvenue beaucoup trop tard pour mon empressement, car ce n'est que depuis avanthier que je suis en possession de cette chère et flateuse marque de Votre souvenir.
Je Vous rens mille grâces de la belle et touchante Ode que Vous venés de m'envoyer, aussi bien que de toutes les choses honêtes et favorables que Vous daignés me dire en cette ocasion. Je reçus hier la même ode en manuscrit de Paris avec la lettre que Vous devés avoir écrite au Margrave de Bareuth à ce triste sujet, le tout acompagné Monsieur d'éloges dues à Votre génie et à Vos talends, je serois, je l'avoue, extrêmement curieuse de voir l'oraison funèbre faite à l'honeur d'un maitre cordonier par le Roi de Prusse et Vous me feriés grand plaisir si Vous pouviés ou osiés Monsieur me le procurer. Il faut avouer que tout ce que ce Monarque fait a lieu de nous surprendre, d'une ou d'autre façon. Il n'a pas encor ouvert la campagne cette Anée et quoi qu'il aye fait des mouvemens d'un et d'autre côté jusque ici tout cela n'a pas encor paru sérieu ni nous anoncer des suites: c'est encor du nouvau qui étone le public, et qui prédit une conduite, une manière d'agir différente de la part de ce Prince des Anées précédentes.
Vous saurés sans doute et Vous serés instruit de la Battaille que Mr: de Broglio a gagné le 13 d c, contre Le Prince Ferdinand. Nous étions bien menacés d'avoir très près de nous le théâtre de la guerre au comencement de cette Anée, mais grâce à la bone Providence cette crainte se dissipe un peu. Je voudrois pour l'amour de l'optimisme et peutêtre par d'autres raisons encor que la Paix se fit bientôt.
Le Portugal quoi que très éloigné de nous ne laisse pas de m'intéresser beaucoup, et come il me paroit que Vous avés des corespondances dans ce Païs là, Vous m'obligeriés infiniment Monsieur si Vous vouliés m'aprendre les nouveaux événements qui pouroient y arriver. Est ce que je n'ose dont plus espérer? de Vous revoir un jour chés nous? cette idée a pourtant bien des charmes pour moi et ce seroit une nécessité bien dure si j'étois réduite à l'effacer de mon Ame: je n'aime pas à m'y arrêter. Conservés moi Monsieur Votre prétieuse Amitié, écrivés moi le plus souvent que Vous pourés sans Vous incomoder, et croyés moi pour la vie avec l'admiration et l'affection que Vous mérités à si juste titres
Votre très dévouée amie et servante
LD
Le Duc mes enfans et la chère grande Maitresse me chargent de mille assurences d'amitié, d'estime et d'égards. Me voilà quite grâce à Dieu de la crainte pour la petite vérole, mes deux ainés ont passés heureusement par cette cruelle maladie et le cadet en est quite au moyen de l'inoculation. Vous voyés que nous somés gens à la mode et audesus du préjugé.