[April/May 1748] à 2 heures

Ie viens d'auoir ma conuersation.
Sire, aisje dit, ie vais v͞s confier vn grand secret, mais ie vis auec v͞s avec tant de liberté, v͞s me marqués tant de bonté et d'amitié que ie crois v͞s deuoir ma confiance. Il y a quelqu'un qui est fort amoureux de moi, et qui est au désespoir de ne point aller à Comerci, i'en suis si touchée que ie ne puis me dispenser de v͞s demander de l'y mener, v͞s saués qu'il n'i a point de femme qui se fâche de ce sentim͞t. Ie v͞s auoue que ceux qu'il a p͞r moi me touchent beaucoup, que i'aime infinim͞t à viure auec lui, et que i'ay beaucoup de chagrin de celui que ce voiage lui cause. Il m'a répondu, ie trouue très bon qu'on vienne me faire sa cour à Comerci, il n'a qu'à y venir. Mais sire le logerés v͞s? Il n'a qu'à loger chés le curé come à l'autre voiage, a t'il dit, d'ailleurs, ce voiage cy sera fort court, et ne l'en ayant pas mis du comencement cela paroitroit singulier et feroit tenir des propos. Ces petits voyages causent mille tracasseries et sont la source de mille chipotages, ie n'en ai mis persone, on m'a demandé Lubert, i'y ay consenti depuis car il n'étoit pas sur ma liste. Mais v͞s le mettrés donc des autres voiages? Nous verons, m'a t'il dit. Mais i'espère que votre amitié p͞r moi v͞s donnera de la bonté p͞r lui. Oh p͞r cela oüi, m'a t'il répondu. Il faut v͞s anoncer que dans toute cette conuersation il étoit plus embarasé que moi et qu'il a eü l'air d'en désirer la fin. Ie crois qu'il craignoit que ie ne lui parlasse de l'affaire de Pymont, mais ce n'étoit pas le moment.