à Gothe ce 13 d'Août 1753
S'en est donc fait Monsieur, Vous partéz pour Plombiere, et Vous nous tournéz le dos: cette nécessité d'obéir à Vos médecins, est bien plus cruelle pour nous que pour Vous: Le charme et les agrémens de l'esprit ne Vous quitent point: mais nous, nous en sentons la privation; cet espoir dont Vous me flattés Monsieur, ne me paroit que trop éloigné: je Vous ai à la vérité une obligation infinie de la manière dont Vous vouléz bien Vous aquiter de Votre promesse: cepandant je l'avoue Monsieur, une heure d'entretien de Votre part, est préférable à tous les Empereurs, et à tout l'or que Rodolphe a jamais fait; coment prétendéz Vous que je remplace ces heures?
je lis jusqu'à me faire mal aux yeux pour attraper une seule de Vos idées: mais inutilement: Vous êtes unique dans le siècle où nous vivons; conoissez Vous Monsieur La Psycantropie, ou la théorie de l'home, petite brochure qui vient de paroitre, que je m'étois figurée tout autrement, quoiqu'elle soit assés jolie: et puis je continue la lecture de l'Arioste qui n'aproche de beaucoup près à certaine pucelle ravissante; la Grande Maitresse des coeurs la compte le plus jolliment du monde: celle ci malgré son entousiasme pour Vous, ne veut pas être Votre Protectrice, elle dit que Vous n'en avéz pas besion, et je trouve qu'elle a raison; Vous ne sauriéz imaginer combien elle et moi, nous Vous encençons, nous Vous aimons, le reste vas sans dire; Le Duc et mes enfans Vous ambrassent d'inclination.
Je souhaite de tout mon coeur que les eaux de Plombiere produisent l'effect désiré, qu'elles rétablissent Votre chère santé et me procurent la satisfaction infinie de Vous revoir et de pouvoir Vous protester de bouche combien je Vous estime et Vous honore. C'est avec ces sentimens que je suis pour la vie
Monsieur
Votre très affectionnée amie et servante
LDdS
P. S. Continuéz je Vous en conjure de me doner souvent de vos nouvelles, et une adresse sûre pour pouvoir Vous répondre.