A Francfort le 29 juin [1753]
Sire,
Dans la crainte où nous devons être que nos plaintes n'aient été interceptées par les srs Freydag et Schmidt, pardonnés nous, si nous nous jettons aux pieds de votre Mjté.
Elle sait sans doute avec quelle violence horrible une femme innocente a été traitée, mais elle ignore peutêtre quel piège on nous avoit tendu. Le sr Freydag écrivit le 18 au sr de Voltaire:
‘Les ordres favorables du Roy sont la suite du Raport du 5 de ce mois, où je ne pouvois assés louer ni assés admirer votre résignation à la volonté du Roy, votre obéissance et vos protestations sincères de fidélité &c.’
Nous avons envoyé cette lettre au sr Fredersdorff, correspondant de Schmidt.
Sire, nous n'avons certainement manqué à rien, nous nous sommes reposés sur l'assurance donnée en votre nom par le sr Freydag que nous pouvions partir.
On nous fait espérer dans la prison, où la dame Denis garde àprésent le sr de Voltaire, que le magistrat rendra un compte fidèle à votre Mjté.
Nous sommes deux Etrangers, qui n'avons ici de protection que votre Equité et votre miséricorde. Tout Francfort sait que la violence qu'on nous a faite n'a eu pour but que de nous extorquer 128 Ecus par jour. V. Mjté peut s'informer si les mêmes personnes n'ont pas déjà plusieurs fois commis à Francfort des choses aussi dures. Mais ce n'est pas là l'objet de nos plaintes. Nous conjurons V. Mjté de daigner empêcher qu'on abuse d'avantage de son nom sacré pour persécuter deux Etrangers, dont l'un est attaqué d'une maladie mortelle et qui attendent leur sûreté de votre pitié qu'ils implorent, avec la soumission la plus entière et le plus profond respect.
Denis