1753-06-25, de Marie Louise Denis à Frederick II, king of Prussia.

Sire,

J'ignore si mes très humbles requêtes sont parvenues aux pieds de votre majesté.

J'ai eu l'honneur de lui mander avec quelle violence j'ai été traînée à pied dans la rue le 20 au soir par le sieur Dorn, notaire impérial, qui sert de secrétaire au sieur Freydag, votre résident; qu'on m'a ôté mes domestiques, ma femme de chambre; que le sieur Dorn a eu l'insolence de passer la nuit seul dans ma chambre.

Le 21, à deux heures après midi, le sieur Freydag m'a fait dire que je pouvais voir mon oncle; on m'y a conduit avec des soldats. Le sieur Freydag est venu à trois heures avec le sieur Schmidt nous promettre que nous serions libres si nous lui rendions ses deux billets conçus en ces termes:

‘Monsieur, sitôt le grand ballot où se trouve l'œuvre de Poésie du roi, sera ici, et l'œuvre de Poésie rendu à moi, vous pourrez partir où bon vous semblera.

A Francfort, 1er juin.

Freydag, résident.’

Nous avons rendu les billets en présence de nos gens. On a ouvert la caisse, on a pris le livre, on nous a promis notre liberté et je demeure en prison.

Le 22, le sieur Dorn est venu nous faire signer le modèle d'une requête à mm. Freydag et Schmidt, nous promettant que nous serions élargis sur le champ; un jeune homme que mon oncle a amené de Potsdam, a traduit cette requête, mon oncle l'a signée et je reste prisonnière avec mon oncle. On nous demande 128 écus par jour pour notre détention.

Le 25, Dorn est revenu me dire que si je voulais retourner en France, je le pouvais; mais que si je voulais rester avec mon oncle, je serais prisonnière comme lui.

Je lui ai fait demander par le jeune homme de Potsdam, pourquoi j'étais prisonnière; il m'a répondu que c'était pour avoir excusé mon oncle chez le bourgmestre.

Sire, je jure à votre majesté que mon oncle ne partait que sur la foi des promesses du sieur Freydag, qu'il n'a jamais donné sa parole qu'il dût rester après le retour du livre. Il partait avec tant de bonne foi qu'il laissait sa caisse et ses effets entre les mains de votre résident. Il s'en allait coucher seul à deux lieues, sans avoir même de valise. Je restais en otage. Il a satisfait à tous ses engagements; il obéi à tous vos ordres, il a été même au delà.

Sire, je demande votre pitié et votre justice pour lui et pour moi; s'il y a un seul mot contre la vérité dans ma requête, nous nous soumettons aux plus grandes peines. Nous n'avons d'espérance que dans votre équité et dans votre compassion.

Je suis avec le plus profond respect,

sire,

de votre majesté,

la très humble et très obéissante servante,

Denis