A Francfort, 26 juin [1753]
La même personne qui a eu l'honneur d'écrire de Francfort à son excellence, et d'implorer la protection de leurs majestés impériales, supplie très humblement son excellence de continuer à lui garder le secret.
Si leurs majestés impériales ne sont pas dans le cas d'accorder leur protection dans cette affaire, elles seront du moins indignées de ce qui vient de se passer dans Francfort. Un notaire, nommé Dorn, commis du sieur Freitag, résident de Prusse, enlève une dame de condition, qui vient à Francfort auprès de son oncle malade. Il la conduit à travers la populace, à pied, dans une auberge, lui ôte ses domestiques, met des soldats à sa porte, passe la nuit seul dans la chambre de cette dame mourante d'effroi. On supprime ici, par respect pour sa majesté impériale la reine, les excès atroces où le nommé Dorn, commis de Freitag, et cependant notaire impérial, a poussé son insolence.
Son excellence peut aisément s'instruire de ce que c'est que Freitag, aujourd'hui résident de Prusse. Il est connu à Vienne et à Dresde, ayant été châtié dans ces deux villes.
La personne qui a pris la liberté de s'adresser à son excellence avait bien raison de prévoir les extrémités les plus violentes. Elle est bien loin de vouloir compromettre personne, elle ne demande que la continuation du secret.
On doit trouver étrange que tant d'horreurs arrivent dans Francfort, uniquement au sujet du livre de poésies françaises de sa majesté prussienne. Sa majesté prussienne est trop juste, trop généreuse, pour avoir ordonné ces violences au sujet de ses poésies qu'on lui a rendues. Personne ne peut imputer de pareilles horreurs envers une dame, à un si grand roi.
On se borne à remercier son excellence du secret, et à l'assurer du plus profond respect.