[c. 31 December 1751]
Mrde Voltaire a écrit l'histoire du siècle de Louis 14 non seulement par ce que la matière est très intéressante mais pour prouver au roy et à sa nation son inviolable attachement pour cet effet.
Avant que de répandre son ouvrage dans le public il en a envoié quatre exemplaires à Paris dont un à mme la marquise de Pompadour pour sçavoir s'il ne lui étoit rien échapé qui pût déplaire. On lui a fait plusieurs critiques aux quelles il a satisfait. L'ouvrage a été remis nomément à mr le présidand Henaud qui après l'avoir examiné a marqué à l'auteur plusieurs endroits à corriger, ce qu'il a fait sur le chant et ce qu'il offre de faire encor s'il en est besoin. Quoi qu'éloigné dans ce moment ci de sa nation mr de Voltaire semble pour ainsi dire être plus attentif à ne rien écrir qui puisse lui être suspecte que s'il étoit aumilieu d'elle. C'est dans ces vues qu'il désire de faire en France une édition, premièrement pour éviter qu'il n'en vienent des païs étrangers de contrefaites ce qui ne peut menquer d'arriver dans peu. Secondement pour que l'ouvrage soit purgé de tout ce qui peut avoir déplu et qu'on ne puisse lui sçavoir mauvais gré de quelques traits qu'il désire de changer. Il seroit bien malheureux pour mr de Voltaire qu'après tant de zelle et de soins on lui refusas les moiens de faire paroître en France son ouvrage dans la pureté où il désire qu'il soit. Si Mme la Marquise de Pompadour daigne y prendre quel qu'intérês la nation lui devra un monument élevé à la gloire de Louis 14, et l'auteur lui auroit l'obligation de ne point voir Paris inondé d'éditions fautives qu'une bonne feroit tomber et d'avoir fait de nouveaux efforts pour rendre son histoire digne de la magesté du suget. Au reste ce n'est point tant une permition tassite que nous demendons que la sûreté de ne point déplaire et nous avons lieu de l'espérer lors que nous aurons satisfait à toutes les critiques, alors une vante tolérée nous suffira sans commetre n'y le gouvernement ny l'auteur.