1753-06-11, de Marie Louise Denis à Frederick II, king of Prussia.

Sire,

Je n'aurais jamais osé prendre la liberté d'écrire à votre Magesté sans la situation cruelle où je suis.
Mais à qui puis je avoir recours sinon à un Monarque qui met la gloire à être juste et à ne point faire de malheureux?

J'arrive icy pour conduire Mon Oncle aux eaux de Plombiere. Je le trouve mourant, et pour comble de maux il est arrêté par les Ordres de votre magesté dans une oberge sans pouvoir respirer l'air. Daignez avoir Compassion sire de son âge, de son danger, de mes larmes, de celles de sa familles, et de ses amis. Nous nous getons tous à vos pieds, pour vous en suplier.

Mon Oncle a sans doute eu des torts bien grands, puis que votre Magesté, à la quelle il a toujours été attaché avec tant d'entousiasme, le traitte avec tant de dureté. Mais sire diagnez vous souvenir de quinze ans de bontez dont vous l'avez honoré, et qui l'ont enfin arraché des bras de sa famille à qui il a toujours servi de père.

Votre magesté lui redemende votre livre imprimé de poësie dont elle l'avoit gratifié. Sire il est assurément prêt de le rendre, il me l'a juré. Il ne l'emportait qu'avec votre permition. Il le fait revenir avec ses papiers dans une caisse à l'adresse de votre Ministre, il a demendé lui même qu'on visite tout, qu'on prenne tout ce qui peut concerner votre Magesté. Tant de bonne foi la désarmera sans doute. Vos lettres sont des bienfaits, notre familles rendra tout ce que nous trouverons à Paris.

Votre magesté m'a fait redemander par son Ministre le Contract d'engagement. Je lui jure que nous le rendrons dès qu'il sera retrouvé. Mon Oncle croit qu'il est à Paris, peut être est il dans la caisse de Hambourg. Mais pour satisfaire votre magesté plus promtement, mon Oncle vient de dicter un écrit (car il n'est pas en état d'écrire) que nous avons signés tous deux. Il vient d'être envoié à Milord Marchal qui doit en rendre Compte à votre magesté. Sire aiez pitié de mon état et de ma douleur. Je n'ai de consolation que dans vos promesses sacrées et dans ces paroles si dignes de vous:

Je serais au désespoir d'être cause du malheur de mon enemi, comment pourais je l'être du malheur de mon ami?

Ces mots sire tracés de votre main qui a écrit tant de belles choses font ma plus chère espérence. Rendez à Mon Oncle une vie qu'il vous avoit dévouée et dont vous rendez la fin si infortunée; et soutenez la miene. Je la passerai comme lui à vous bénir.

Je suis avec un très profond respect

sire

de votre Magesté

La très humble et très obéissente servante

Denis