ce 21 juillet [1754] de Plombiere
Sans reproche Monsieur je n'ai pas encor reçu de vos nouvelles.
Mon Oncle m'a dit que vous lui aviez écrit, mais je n'ai pas vu votre lettre. Si vous m'écrivez adressez moi dorénavant vos lettres à Colmar, car je quite Plombiere après demain, pour me rendre à Colmar avec Mon Oncle. Les eaux de Plombiere ne m'ont pas réussi, j'en ai pris environ dix jours et si j'avais Continué je suis sûre qu'elle m'aurais fait beaucoup de mal. Cependand nous Comptions rester ici tout le mois, mais il est survenu à mon Oncle des affaires qui le presce de partir. Je crois que je ne serai pas longtemps à Colmar et que nous irons à Strasbourg, mais cela est encor fort indessi. Ce qui me paroit sûre c'est que je passerai avec lui non seulement l'été mais peut être l'yver. Ainsi je perds l'espérence de voir Lonet cette année. Vous savez à quel point je suis attachée à Mon Oncle, je ne vous l'ai jamais caché. J'ai lieu d'en être très Contante, il est malheureux, il a besoin de moi et je ne peux le quiter. Sans lui vous savez le parti que jaurais pris mais il n'y faut plus pencer. Je vous dirai même que cela prendroit mal quel que chose qu'il fasse. J'ai tenté l'avanture sans vous nommer et sans qu'on puisse vous soubçonner. Soions amis pour toute notre vie mais dégagez vous des sentimens qui pouroient vous faire de la peine, par ce que ma situation m'empêche d'y répondre et que je ne veux point vous rendre malheureux. Comptez sur la plus tendre amitié de ma part, elle ne peut jamais varier, mais tout autre sentiment m'est impossible.
Si mes chevaux vous convienent prenez les au prix que vous voudrez, le plus bas sera celui qui me fera le plus de plaisir. Pour le Carosse ou vous reviendrez dedans ou bien gardez le jusqu'a ce que je reviene à Paris car j'aime mieux qu'il soit à Lonai que sous ma remise; vous me ferez part des arrengemens que vous voudrez prendre et je les trouverai tous très bons.
Mon Oncle n'a pris d'arrengement sur rien, mais il paroit que pour l'amour de nous il restera en France. Ma soeur a fort bien pris ce voiage ci auprès de lui. Adieu mon cher ami, ne doutez jamais de mes sentimens pour vous, ils sont bien purs et inviolables.
Que ferons nous de notre coché? le gardez vous ou bien il faut qu'il cherche et je le paierai jusqu'à ce qu'il soit placé.