1751-08-10, de Marie Louise Denis à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.

Vraiment Monsieur vous faites fort bien vos marchéz et ces gens là ont eu grand tort de ne pas accepter votre proposition.
Il faut qu'ils soient fols pour ne pas vous donner 72 mille livres d'une terre que peut être ils ne possédront que vingt ans après leur mort. Je vous avoue que je suis pourtant fort fâchée qu'ils n'aient pas été assez dupe pour conclure et que tous vos arrengemens me plaisoient fort. Mais avec Mr de Voltaire sçait on sur quoi compter? Son incertitude continuelle fait le malheur de ma vie, je commence à désespérer qu'il reviene cet yver, mais quel que chose qui arrive soiez sûr de votre fidelle amie et que rien ne poura jamais alltérer la tendre amitié que j'aurai toute ma vie pour vous. Le grand abbé est à la campagne.

Il y a une nouvelle débutante à la comédie nommée Mlle Us, montrée et protégée par Cleron. Elle a quinze ans, elle est jolie, mais je doute encor si elle a du talent. Du reste aucune nouvelle. J'ai entièrement fini ma comédie et je travaille à la nouvelle. Adieu, vous me permettez de ne vous écrire qu'un mot car je suis accablée de besogne, mais vous auriez beau me permettre de ne vous point aimer et de vous oublier, je n'en ferais rien et je vous jure qu'il n'y a point de jour que je ne vous regrete.