ce 9 9bre 1751
Vous devez être outré de Collere contre moi et dans ce moment ci je serois fâchée Monsieur que vous pensassiez autrement, car je ne pouvois vous inspirer que de l'indifférence, mais aussi je me flate que cette lettre ci vous appaisera; je vous parle vrai, il y a un grand mois que je dis chaque jour, j'écrirai demain à Mr de Sideville, ce demain vient, il me survient mille choses à faire, je n'écris point.
Je me flate que vous me le pardonnerez, que vous êtes bien sûr de ma plus tendre amitié et que vous me plaignez de n'avoir pas une minute à donner à mes amis et à mon propre travail, mais j'ai une furieuse besogne à consomer qui produit bien des branches et je suis bien sûr que loin de m'en détourner vous m'encouragerez de toutes vos forces.
Enfin à quel que prix que ce soit je veux ravoir Mon Oncle et ne point aller en Prusse. Je suis arrivée yer de Fontainebleau où j'ai passé trois semaines. Je n'ai pas laissé que de parler à bien des gens mais je n'ai point fait encor ma grande besogne, qui est de parler à qui vous sçavez et cela devient d'une nécessité indispensable, mais il faut que je trouve ma belle. Mahomet m'a donné pendand deux mois une peine incroiable. J'en suis venue àbout malgré des gens qui assurément ont plus de crédit que moi. Il est question présentement de Rome sçauvée. Mon Oncle m'a renvoié Orelie encor plus mauvaise qu'elle n'étoit auparavant. Enfin quand il a été question de donner la pièce j'avois des remorts si grans sur ce rôle que j'ai assemblé chez moi pour en entendre la lecture un nombre de gens composés de Mrs de Richelieu, de Malzerbe, les deux Chovelins, Pontevel, Dargental et Choiseuil. Eccepté Dargental on a trouvé le rôle de la femme exécrable et quel que deffauts dans l'acte du sénat. Mr de Richelieu m'a dit que si je donnais la pièce dans cet état je perdrais Mon Oncle. J'ai pris le parti de lui mender que tant qu'il laisseroit sa femme dans cet état non seulement je ne donnerois point sa pièce mais que je mettrois le peu de crédit que j'ai à empêcher qu'elle ne soit jouée. Je n'ai point encor de réponce mais je ne peux pas douter qu'il ne la refasse. Du reste j'en suis on ne peut plus contante. Il sent tout ce que je fais pour lui et a pour moi la plus tendre amitié. Vous sçavez que je la lui rends bien. Mais parlons de vous. Quand revenez vous dans notre bonne ville? Je vous attends avec la plus grande impassience. Je n'ai près que pas le temps d'écrire mais je vous verais tous les jours. Il faudroit des volumes pour vous rendre tout ce que j'ai à vous conter. Mendez moi positivement le jour de votre arivée. On ne voit non plus le grand abbé que s'il étoit mort. Il y a trois mois qu'il est en campagne. Il m'a écrit, je n'ai pas eu le temps de lui faire de réponce. Il sera fâché. Qu'i faire? Il faudra qu'il fasse comme vous et qu'il me le pardonne. Ce qu'il y a de bien sûr c'est que je vous aime de tout mon Coeur et qu'il n'y a pas de jours que je ne vous regrete.
On vient de jouer une petite comédie de Moissy qui a tombé. On donne Antipater dans huit jours et ensuite Varon de Mr de Grave.