à Cirey ce 21 sepb 1749
Vous êtes tout deux la consolation de ma vie.
Vous m'avez écrit des lettres qui, en me faisant fondre en larmes, ont porté le soulagement dans mon cœur. Je partiray dans trois ou quatre jours si ma malheureuse santé me le permet. Je meurs dans ce châtau que l'amitié avoit embelli. Une ancienne amie de cette infortunée femme y pleure avec moy. J'y remplis mon devoir avec le mary et avec le fils. Il n'y a rien de si funeste que ce que j'ay vu depuis trois mois, et qui s'est terminé par la mort. Mon état est horrible. Vous en sentez toutte l'amertume, et vos âmes charmantes l'adoucissent. Que deviendrai-je donc mes chers anges gardiens? Je n'en sçais rien. Tout ce que je sçai c'est que je vous aime tout deux assurément autant que je l'aimais. Vous portez l'attention de votre amitié, jusqu'à chercher à me loger. Pouriez vous disposer de ce devant de maison? J'en donneray aux locataires tout ce qu'ils voudront. Je leur feray un pont d'or, j'aimerois mieux cela que le palais Bourbon ou le palais Baquancourt. Voyez si vous pouvez me procurer la plus chère des consolations, celle de m'aprocher de vous.
Permettez moy d'embrasser un abbé qui a un cœur fait comme le vôtre.
V.