au palais Bourbon, le 6 août 1777
On nous dit, monsieur, qu'Auguste et Mécène ont quelquefois été boire du vin de Falerne chez Horace; cet honneur ne l'aurait pas immortalisé, si ses talents ne l'avaient seuls rendu digne des hommages de la postérité.
En reculant les époques de ces royales familiarités que donne et reçoit souvent l'orgueil, j'ose croire, monsieur, que feu monsieur Jupiter qui était plus grand seigneur qu'Auguste, donna plus d'embarras que de vanité à Baucis et à Philémon, quand, pour s'amuser, il fut, selon Chaulieu, manger un plat d'asperges dans leur pauvre taudis.
Charles IX voulant combler de joie son bon ami Ronsard, avait formé le dessein de l'aller voir dans sa maison des champs. Cette marque de protection me serait glorieuse, dit le poète, mais ne rendrait pas mes vers meilleurs.
D'après cela, monsieur, doit on s'affliger de n'avoir pas vu l'empereur dans sa maison? Je ne fais d'ailleurs que vous rendre les opinions des gens sensés de ce pays-ci, qui s'intéressent à votre satisfaction, sans avoir assurément la moindre idée de manquer de respect aux dieux et aux souverains.
M. le prince de Condé, monsieur, sera toujours disposé à seconder votre amour paternel en faveur de votre colonie, et vous pouvez de votre côté compter sur l'assidu bienfaiteur des Bourguignons. Il en est, comme vous le dites, le Titus adoré.
Je quitte les superbes fêtes de Chantilli pour rentrer sans regret dans ma quiète solitude du palais Bourbon où j'ignore assez souvent s'il y a dans le monde des gens plus riches et plus heureux que moi. Je suis un peu comme ce paysan du mont St Godard à qui on vantait les richesses du roi de France: Je parie, dit il, qu'il n'a pas de si belles vaches que les miennes.
Recevez, monsieur, l'hommage de ma sincère et constante vénération.