1777-03-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Chrysostome de Larcher, comte de La Touraille.

Dieu merci, le palais Bourbon devient l'azile du bon goût et de la raison, quand la folie et l'esprit de la halle dominent dans Paris.
Je suis consolé, Monsieur, par tout ce que vous me dites de Mgr Le prince de Condé.

Je vous remercie d'abord, autant que je vous félicite, d'être fidèle aux bons principes. Ce Monsr Le chevalier de Bitauzé, ou de Citonzé, me parait digne d'être vôtre secrétaire. Si je me plaignais du mauvais goût du tems ce ne serait pas du froid accueil qu'on a fait à Rodogune dans laquelle il n'y à de véritablement beau que la dernière scène, quoique très mal amenée; je me plaindrais qu'on ne représente pas tous les jours Cinna, et toutes les pièces de Racine.

Pour la musique, c'est un art dans lequel tout est arbitraire. Les Gaulois devenus les Francs, prétendaient mieux chanter que les Romains du tems de Charlemagne. Nos noëls avaient par tout la préférence du tems de Henri 4. On chante à Genêve les commandements de Dieu sur l'air, réveillez vous belle endormie.

Portez vous bien, Monsieur, ne partagez plus mon tître de vieux malade, il est horrible, et je ne le porterai pas certainement encor longtems. Conservez moi vos bontés pour les vingt quatre heures qui me restent. Personne ne sent plus que moi le prix de l'amitié dont vous m'honorez.

V.