1722-07-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Cardinal Guillaume Dubois.
Une Beauté qu'on nomme Rupelmonde,
Avec qui les amours et moi
Nous courons depuis peu le monde
Et qui donne à tous la Loi,
Veut qu’à l'instant je vous écrive;
Ma Muse, comme à vous, à lui plaire attentive,
Accepte avec transport un si charmant Emploi.

Nous arrivons, Monseigneur, en ce moment dans vôtre diocèse, je ne sçai si nous en serons meilleurs Chrêtiens; nous sommes accoutumés à vous regarder plustôt comme un grand Ministre que comme un grand apôtre: Nous sommes Cependant très Edifiés que vôtre Eminence ait choisi Cambray pour y jetter les fondemens d'une paix durable entre les fidèles.

Puissent Messieurs du Congrez
Assemblés dans cet azile
De L'Europe amener la paix;
Puissiez vous aimer cette ville,
Seigneur, et n'y venir jamais.
Je sçai que vous pourriés faire des homélies,
Marcher avec un porte Croix;
Chanter la messe quelques fois
Et réciter des Litanies.
Donnés, donnés plustôt des Exemples aux Roïs
Unissez à jamais l'esprit et la prudence
Qu'on publie en cent Lieux vos grandes actions,
Faites vous bénir de la France
Sans donner dans Cambray de Bénédictions.

Souvenez quelques fois, Monseigneur, de Voltaire qui n'a en vérité d'autre regret que celui de ne pouvoir pas entretenir vôtre Eminence aussi souvent qu'il le voudroit, parce qu'il vous regarde comme l'homme du monde de la meilleure Conversation. La seule grâce que je vous demanderai à Paris, sera de me parler.