1748-06-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Je pars demain, je me raproche d'environ soixante lieues de mon cher et respectable amy.
M. l'abbé Chauvelin peut vous dire des nouvelles d'une répétition de Semiramis les rôles à la main. Tout ce que je désire c'est que la première représentation aille aussi bien. Ils ne répétèrent pas Merope avec tant de chaleur. Ils m'ont fait pleurer, ils m'ont fait frissonner. Sarrazin a joué mieux que Baron, madelle Dumenil s'est surpassée, etc. Si la Noue n'est pas froid, la pièce sera bien chaude. Elle demande un très grand appareil. J'ay écrit à M. le duc de Fleury, a Mer de Pompadour, il nous faut les secours du Roy. Mais mon ange il nous faut le vôtre. Ecrivez bien fortement à M. le duc Daumont, mais surtout revenez au plus vite protéger votre ouvrage, et recevoir la fête que je vous donne. Les acteurs seront prêts avant quinze jours. Encor une fois s'ils jouent comme ils ont répété, mr Romancau leur fera de bonnes recettes. J'ignore encor si je pouray voir les premières représentations mais vous les verrez. C'est pour vous qu'on joue Semiramis. Portez vous donc bien tous mes anges, revenez gros et gras à Paris, et faittes réussir votre fête.

Vrayment j'ay bien suivi votre conseil pour cette infâme édition. Les magistrats s'en mêlent et moy je ne songe qu'à vous plaire. Adieu madame, adieu messieurs, tâchez de me prendre en repassant. Mille tendres respects.

V.