1748-09-19, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Comment se portent mes anges? Je n'ay plus de fièvre, il ne me reste d'autre douleur que d'être séparé d'eux. On s'est bien plus pressé ce me semble de lire Catilina que de le faire. Mais faudra t'il que mon amy Marmontel pâtisse de cette impatience, et qu'on ne reprenne pas son pauvre Denis dont il a besoin? Cela seroit d'une extrême injustice et mes anges ne le soufriront pas. Praut n'est il pas venu la gueule enfarinée? n'a t'il pas bien envie d'imprimer Semiramis? mais ne faut il pas tenir le bec de Praut dans l'eau? afin de prévenir les éditions subreptices dont on me menace continuellement?

Joue t'on Semiramis le mercredy et les samedy seulement dans effroyable disette de monde où l'on est à Paris?

La laisse t'on aller jusqu'à Fontainebleau?

Aureste vous parlez de Zadig comme si j'y avois part. Mais pourquoy moy! pourquoy me nomme t'on? Je ne veux avoir rien à démêler avec les romans.

Je ne cesse de faire les plus tendres remercimens à M. le coadjuteur. Il seroit bien aimable si quelque jour il m'écrivoit ce qui se passe à la comédie! On dit que Sarrazin et la Noue jouent tous les jours plus mal. Cela peut pourtant faire grand tort.

Comment se porte mr de Pontdeveile, comment va M. de Choiseuil?

Mille tendres respects à tout ce qui est chez vous.

V.

Nous avons eu icy l'acte de Pomone et de Vertumne. Madame du Chastellet l'a exécuté divinement. Elle vous fait les plus tendres compliments.