1745-10-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à René Louis de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson.

Monseigneur,

Il n'y a point de soin que je ne prenne pour faire une histoire complette des campagnes glorieuses du Roy et des années qui les ont précédées.
Je demande des mémoires à ses ennemis même. Ceux qui ont senti le pouvoir de ses armes m'aident à publier sa gloire.

Le secrétaire de M. le duc de Cumberland, qui est mon intime amy, m'a écrit une longue lettre dans la quelle je découvre des sentimens pacifiques que les succez de sa majesté peuvent inspirer.

Si Le Roy jugeait que ce commerce pût être de quelque utilité, je pourois aller en Flandres sous le prétexte naturel de voir par mes yeux les choses dont je dois parler; je pourois ensuitte aller voir ce secrétaire qui m'en a prié. M. le duc de Cumberland ne s'y opposeroit assurément pas. Je suis conu de la plus-part des anciens officiers qui L'entourent. Je parle l'anglais, j'ay des amis à Bruxelles, et ces amis sont attachez à la France. Je peux aisément et en peu de temps savoir bien des choses. Le secrétaire de M. le duc de Cumberland a fait naître à son maitre l'envie de me voir. Les éloges que j'ay donnez à ce prince, pour relever davantage la gloire de son vainqueur, luy ont donné quelque goust pour moy. Voylà ma situation.

Si sa majesté croit que je puisse rendre quelque petit service, je suis prest, et vous connaissez mon zèle pour sa gloire et pour son service.

Je suis avec respect

Monseigneur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire