1744-07-15, de Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Le Président avant de partir Monsieur m'a envoyé une lettre que Rameau vous avoit écrit pour vous faire part de la ridicule critique qu'il avoit imaginé de faire ou pour mieux dire, de faire faire par les petits Poëtereaux d'amis, de l'ouvrage que vous luy aviez donné à mettre en musique.
J'ay l'honneur de vous Envoyer cyjoint deux lettres pour tâcher de prévenir les démangeaisons qui pouroient luy prendre dorénavant de faire agir cet Esprit d'Examen qui me paroit l'avoir possédé, et en même tems de communiquer les Divertissemens qui luy sont confiés.

Le Sr Duport, de qui est une de ces Deux lettres que je vous Envois, est un huissier de la chambre du Roy, bon Musicien, et ami intime de Rameau. Comme c'est un de ceux qui a le plus de crédit sur son Esprit j'ay cru que cette lettre luy feroit pour le moins autant d'Effet que la mienne.

Je vous suplie de les cacheter, et de les luy faire remettre. Je vous seray sensiblement obligé aussi de me faire copier les trois Divertissemens que je comptois à tous momens recevoir de Voltaire, et que je n'ay point encore Vûs dans la dernière forme où il les a mis.

Si je ne connoissois pas votre amitié pour Voltaire, et votre goût pour les ouvrages de théâtre j'aurois bien des pardons à vous demander Monsieur, mais vous pouvez être si utile à l'un et à l'autre, que je suis persuadé que vous Excuserez facilement tout ce que j'ay ôsé Exiger de vos bontés. Je vous prie de croire que ma reconnoissance est infinie, et que rien n'Egale les sentimens avec lesquels j'ay l'honneur d'être Monsieur Votre très humble et très obéissant serviteur

Richelieu