à Cirey en Champagne ce 3 février 1742
Je suis bien sensible à votre souvenir mon cher monsieur et je le suis encor davantage au bonheur dont vous jouissez et à la satisfaction que vous mettez dans le cœur du meilleur des pères.
Je ne suis point étonné de vos succez dans l'étude du droit. Votre esprit est fait pour se plier et pour réussir à tout. Mais il y a bien du mérite à revenir si aisément de l'état militaire à celui de la robe.
Ce dernier procure une vie plus douce et plus heureuse, et qu'avons nous à faire dans ce monde qu'à nous rendre heureux, nous et les nôtres? Je ne vien-drai m'établir à Paris, qu'environ dans deux années; si vous y faites alors quelque voiage, ou si vous me jugez capable de vous servir en ce pays là, vous pourez disposer de moy. Votre reconnaissance monsieur pour de petits services que tout autre que moy vous eût rendus à ma place me fait sentir combien il serait doux de vous en rendre qui me coûtassent plus de soins. Comptez monsieur que vous aurez toujours en moy un amy qui s'intéressera tendrement au bonheur de votre vie. C'est dans ces sentiments que je suis de tout mon cœur monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire