[23 aoust 1732]
Mes chers et aimables critiques je voudrois que vous pussiez être témoins du succez de Zaire, vous veriez que vos avis ne m'ont pas été inutiles et qu'il y en a peu dont je n'aye profité.
Soufrez mon cher Cideville que je me livre avec vous en liberté au plaisir de voir réussir ce que vous avez aprouvé. Ma satisfaction s'augmente en vous la communiquant. Jamais pièce ne fut si bien jouée que Zaire à la quatrième représentation. Je vous souhaittois bien là. Vous auriez vu que le public ne hait pas votre amy. Je parus dans une loge et tout le parterre me batit des mains. Je rougissois, je me cachois, mais je serois un fripon si je ne vous avouois pas que j’étois sensiblement touché. Il est doux de n’être pas honni dans son pays. Je suis sûr que vous m'en aimerez davantage.
Mais messieurs renvoiez moy donc Eriphile dont je ne peux me passer et qu'on va jouer à Fontaineblau. Mon dieu ce que c'est que de choisir un sujet intéressant! Eriphile est bien mieux écrite que Zaire mais tous les ornements, tout l'esprit et toutte la force de la poésie ne valent pas à ce qu'on dit un trait de sentiment. Renvoiez moi ceppendant mon paquet par le coche. J'en ay un besoin extrême. J'en ay encor plus de vos avis. Adieu mes chers Cideville et Formont.
Je vous demande en grâce de passer chez Jore, et de vouloir bien le presser un peu de m'envoier les exemplaires de l’édition de Hollande.
Adieu, je vous embrasse bien tendrement.
V.