1733-10-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.

. . . je luy . . . m'a . . . je vous . . . d'augmenter ses terreurs le plus . . . vers . . . qu'il . . . faites luy je vous prie la plus grande peur . . . j'ay la bonté de lui . . . que je ne luy crois point depuis qu'il ne . . . adresse la. . . . Mais quand pourai je donc mon très cher amy vous être aussi utile à Paris que vous me l’êtes à Rouen?
Vous passez douze mois de l'année à me rendre des services, vous m’écrivez de plus des vers charmants, et je suis comme une bégueule qui me laisse aimer. Non mon cher Cideville je ne suis pas si bégueule, je vous aime de tout mon cœur, je travaille pour vous, j'ay retouché deux actes d'Adelaide, je racomode encor mon opera tous les jours et le tout pour vous plaire, car vous me valez tout un public.

Et si me tragicis vatibus inseres,
sublimi feriam sidera vertice.
C'est à de tels lecteurs que j'offre mes écrits.

A l’égard de ma personne à la quelle vous daignez vous intéresser avec tant de bonté je suis obligé de vous dire en conscience que je ne suis pas si malheureux que vous le pensez. Je croi vous avoir déjà dit en vers d'Horace,

Non tumidis agimur velis aquilone secundo,
non tamen adversis ætatem ducimus austris,
viribus, ingenio, specie, virtute, loco, re
extremi primorum extremis usque priores.

Il est vray que je [. . .], mais voylà mon seul embaras, et ma petite santé est mon seul malheur. Je tâche de mener une vie conforme à l’état où je me trouve, sans passions désagréables, sans ambition, sans envie, avec baucoup de connoissances, peu d'amis, et baucoup de gousts. En vérité je suis plus heureux que je ne mérite.

Mon cœur même à l'amour quelquefois s'abandonne.
J'ay bien peu de tempérament,
Mais ma maîtresse me pardonne,
Et je l'aime plus tendrement.

à Paris ce 14 oct. [1733]

Que direz vous de moy? Il y a trois jours que cette lettre devoit partir. Mais j'ay été malade, j'ay couru, et je vous demande pardon.

Voicy un petit papier cy joint que je vous suplie bien fort de faire tenir à Jore afin qu'il l'imprime à la fin des remarques du sr la Motraye. Adieu, je n'ay pas un moment. Je vous embrasse. Linant vous écrit. Il n'y a rien de nouvau encor. On ne sait ny si les Français ont passé le Rhin, ny si les Russes ont passé la Vistule. Jamais les fleuves n'ont été si difficiles à traverser que cette année.

V.