1732-03-08, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Robert Le Cornier de Cideville.
Il faut vous donner les prémices
De ces aimables fruits aux baux esprits, si doux,
Le public a goûté mes derniers sacrifices.
Ils en sont plus dignes de vous.

Cela veut dire mon cher Cideville qu'Eriphile que vous avez vue naitre, reçut hier la robe virile devant une assez belle assemblée qui ne fut pas mécontente et qui justifia votre goust. Notre cinquième acte a été critiqué, mais on pardonne au dessert quand les autres services ont été passables. Je suis fâché en bon chrétien que le sacré n'ait pas le même succez que le profane, et que Jephté et l'arche du seigneur soient mal reçus à l'opera, lorsqu'un grand prêtre de Jupiter et une putain d'Argos réussissent à la comédie. Mais j'aime encor mieux voir les mœurs du public dépravées que si c’étoit son goust. Je demande très humblement pardon à L'ancien testament s'il m'a ennuyé à l'opera. Pardon d'un billet si succint. Courtes lettres et longues amitiez est ma devise, mais je serois bien fâché et j'y perdrois trop si vos lettres étoient aussi courtes.

V.