Vous m'avez cru peutêtre embastillé mon cher amy.
J’étois bien pis, j’étois malade et je le suis encore. Il n'y a que vous dans le monde à qui je puisse écrire dans l’état où je suis J'ay vu le [. . .] Je vais me rendre tout entier à Adelaïde dès que j'auray un rayon de santé. Je n'ose vous envoyer mon épitre à Emilie sur la médisance, parce qu'Emilie me l'a deffendu et que si vous m'aviez deffendu quelque chose je vous obéirois assurément. Je luy demanderay la permission de faire une exception pour vous. Si elle vous connoissoit elle vous enverroit l’épitre écritte de sa main, elle verroit bien que vous n’êtes pas fait pour être compris dans les règles générales, elle penseroit sur vous comme moy. Vous savez qu'on a imprimé le temple du goust en Hollande de la nouvelle fabrique. Il y a quelques pierres du premier édifice que je regrette baucoup, et un jour je compte bien faire de ces deux bâtiments un temple régulier, qu'on imprimera à la tête de mes petites pièces fugitives, les quelles par parenthèse, je fais actuellement transcrire pour vous et pour mr Formont. Je les corrige à mesure, mais je me reproche de mettre moins de temps à les corriger que mon copiste à les écrire. Paris a été inondé d'ouvrages pour et contre le temple, mais il n'y a eu rien de passable. Notre abbé fait sur cela un petit ouvrage qui vaudra mieux que tout le reste, et qui je croi fera baucoup d'honneur à son cœur et à son esprit. Nous allons le faire copier pour vous l'envoier, car l'abbé et moy nous vous devons mon cher Cideville les prémices de tout ce que nous faisons. Il est bien mal logé chez moy, mais d'ailleurs je me flatte qu'il ne se repentira pas de m'avoir préféré au collège. Il va incessamment vous faire une tragédie. Il bégaie comme l'abbé Pellegrin, il n'a guère plus de culottes, et il est abbé comme luy, mais il faut croire qu'il sera meilleur poète. Dites donc à notre philosophe Formont qu'il m'envoye quelque leçon de philosophie de sa main.
Et votre allégorie? Adieu, je vous embrasse.
V.
ce dimanche [2 aoust 1733]