Le 11 aoust 1733
On parodie le Temple du goust en France, et l'on traduit la Henriade et Brutus en vers Anglais; l'un et l'autre mon charmant amy prouve également l'excellence de vos ouvrages.
Je n'ay pu encore enrichir mon petit cabinet de la nouvelle édition du Temple qui s'est faite en Hollande. Tout ce que j'en ay vu de critiques en vers et en prose m'a paru misérable. Je vous exhorte fort à construire, comme vous le projettés, un édifice régulier des matériaux précieux qui composent ces deux bâtimens élevés à la haste. Rien à mon gré ne peut mieux servir d'entrée à vos ouvrages que le Temple du goust.
Ménagés je vous en suplie vostre santé, vous la devés à vos amis et à vostre Patrie; je ne sais quel Romain finissoit toujours d'opiner dans le sénat en disant, je suis de plus d'avis qu'il faut ruiner Carthage, et je conclus toujours avec vous qu'il faut m'envoyer Adelaïde, vostre opéra et vos pièces fugitives, et L'ouvrage de l'abbé Linant. Pourquoy m'a t'il volé cette idée? Formont va à la campagne, ainsy c'est à moy que vous adressérés s'il vous plaist le tout. Quand vous voulés rendre quelqu'un heureux écrivés moy. Que vos lettres sont aimables, mon charmant amy, que je les lis avec Plaisir! elles respirent l'esprit et la tendresse. Vous m'aviés fait part, dites vous, de vostre Epistre à Emilie sur la médisance si Emilie ne vous l'avoit pas défendu. Je ne vous la demande plus et pour l'obtenir je m'adresse sous vostre congé à cette Reine de vos volontés.