Vainement Le Granique oposa t'il ses flots,
Il ne put de la Grèce arrester le héros,
Et cent Peuples aux fers, prés de Nissus en cendre,
Gémissoient abatus sous le joug d'Alexandre.
De ce triomphe Apelle ébauche le tableau,
On vit, la mesme nuit, son rapide pinceau
Montrer, au simple trait, sans emprunter l'Emblesme
Qu'un fait, quand il est grand, se suffit à luy mesme,
Qu'il est sublime en soy de rendre en action
La valeur d'Alexandre et de sa Nation;
Il peint les champs couverts des Medes et des Perses,
Les monts sont hérissés de leurs armes diverses,
Dans un vain attirail ce corps embarassé
Par un corps plus actif est déjà renversé,
Rien n'a pu soutenir la Phalange terrible
Que conduit Alexandre et qu'il rend invincible,
Le Grec, à qui tout cède, a dispersé les rangs,
Ravi l'or de l'Asie aux Satrapes mourants,
L'Epouvante partout, le meurtre et le pillage
Offrent de la Déroute une effrayante image,
L'Eléphant, sous sa chûte écrase avec fracas
Le char de Darius, son trône, et ses soldats….
Alexandre entouré de chefs, dignes de l'estre,
Brave et sage à la fois montre qu'il est leur maitre,
A son maintien tranquile, à son bras foudroyant
On connoit le vainqueur, le Roy de l'Orient.
Au retour du soleil la peinture exposée
De Zeuxis, de Parrhase est justement prisée,
L'un exalte du Tout la noble invention,
L'autre, des sentimens la vive expression;
Mais aux stupides yeux de l'ignorance altière,
Aux yeux que le succés blesse par sa lumière,
Ce chef d'oeuvre éclatant est un crayon grossier;
Plus d'un Jaloux s'enferme, et dans son Attelier
S'épuise en vains efforts, trace, efface, retrace….
Qu'enfante ce travail? des avortons sans grâce,
L'Egide offusque icy de pasles cupidons,
Là la masse d'Hercule arme les mirmidons.
Alexandre, indigné qu'on dégrade sa gloire,
Veut qu'Apelle luy seul consacre son histoire,
Luy seul pouvoit suffire à de si grands exploits,
Le montrer abaissant et relevant les Rois,
Luy seul saura trouver des teintes assés belles
Pour le représenter terrible aux champs d'Arbelles,
Pour le peindre, adoré de ceux qu'il a vaincus,
Domptant par sa bonté L'inflexible Porus.
Apelle termina son Esquisse hardie;
Un cadre en son palais La présente aplaudie.
Au Peintre d'Alexandre a t'on dû reprocher
Qu'au Portrait d'Alexandre il eut à retoucher?
J'ay voulu, illustre et tendre ami, vous remercier en vers de l'exemplaire de L'Edition du Louvre de vostre beau Poème que vous m'avés envoyé; j'ay cru trouver un tour neuf pour Loüer mon Roy et mon ami, en les caractérisant d'une manière qu'on ne puisse s'y méprendre et sans cependant les nommer. J'ay aussy à vous remercier d'avoir bien voulu faire imprimer mes vers au milieu des vostres dans l'Edition de Prault, c'est un passeport sûr pour la Postérité &c.
Mais je ne veux pas vous arrester davantage, la gloire et les fastes vous attendent: ne verray je point icy dans ma retraite ce temple de l'honneur, où vous placés vostre héros et où vous aurés une si belle place? Vous estes homme de tous les sentimens comme de tous Les gousts; quand vous serés rassasié de gloire revenés quelquefois en m'écrivant dans les bras de L'amitié.
Mr. L'abé Du Resnel, qui est venu recueillir icy une succession, vous assure qu'il vous aime autant qu'il vous admire.
Vous avés comblé d'honneur et de plaisir nostre académie naissante en luy envoyant trois exemplaires de vostre Poëme; cette marque de distinction de la part d'un homme aussi distingué que vous est un puissant aiguillon pour l'aprester de tascher de s'en rendre digne. Faites plus, qu'elle vous doive encore sa dévise, que cette milice Littéraire devienne recommandable en marchant sous vostre drapeau. Il ne faut pas moins qu'une devise pour une société des sciences, des belles Lettres et des arts. Sans adieu. C'est trop vous importuner — présentés mon homage à vostre Divine marquise.