à Roüen ce samedy 3 may 1732
Vous ne vous contentés pas mr. d'estre un grand homme, vous estes un amy plein de bonté et d'attention, et quand vous avés fait les plus beaux vers du monde vous pensés à élever ceux qui en peuvent faire quelque jour.
Je suis enchanté de la façon vive dont vous avés saisi l'occasion de rendre service au jeune abbé Linant. Faites pour luy je vous en conjure tout ce que vous pourés, je crois qu'il mérite par Les qualité du coeur et de l'esprit les peines que vous vous donnés pour luy. Vous devés à vostre siècle non seulement de le garantir de l'obscurité où il étoit prest de rentrer mais de veiller à vous chercher des successeurs. Le bon goust décroit de jour en jour, le génie s'eteint. Réunissés Les deux qualités rares de le soutenir par vos ouvrages et par la protection que vous luy acordés.
Nous attendons avec impatience ce que vous nous avés promis, vostre Eriphile et vostre compliment au Parterre, vous en deviés bien un au public qui vous en fait depuis si longtemps. Vos nouveaux efforts vous ont sans doute mérité de nouvelles Louanges, vos changements seront d'autres beautés, et prouveront que vostre génie qui fait naitre si facilement de grandes choses en sait produire de mervueilleuses, et que vous ne quittés un ciel que pour un plus élevé. Il faut que vostre tragédie soit bien belle pour La paroîcre dans la bouche des détestables acteurs qui la joüent.
Je vous embrasse de tout mon cœur.