1739-09-29, de Pierre Robert Le Cornier de Cideville à Voltaire [François Marie Arouet].
Quand je revolois dans vos bras
Pour vous exprimer ma tendresse,
Et que par vous conduit aux pieds de la Déesse
Qui fixe Ovide sur ses pas,
Je touchois au moment d'adorer ses apas,
Vous partés . . . et Paris n'a plus pour moy ses charmes:
Vous emmenés tous deux vos charmants favoris,
Les arts, Les grâces et les Ris.
Qu'irois je y faire hélas! j'irois mesler mes larmes
Aux justes regrets de Paris.
J'entendrois Geliot; peutestre une chacone
Que sauteroit Barbarini.
Je croirois n'avoir vu personne.
Qu'est le reste sans son ami?
Ah si ma muse trop crédule
Pouvoit ressusciter en ses tendres regrets
Les chants sensibles de Tibulle
Je vous exprimerois La perte que je fais,
Nos neveux atendris par ma douleur extrême
Gémiroient du désir que j'eus de vous revoir,
Mes plaintes prouveroient le rigoureux pouvoir
De l'absence de ce qu'on aime.
Si je ne puis vous retrouver
Que quand un trop hastif hiver
Viendra glacer mes débiles années,
Puissent de mon Printemps Les fleurs déjà fanées
Voir d'un Eté sans fruit précipiter le cours,
Je donnerois sans regret dix années
Pour passer avec vous le reste de mes jours.