Vous aurés vu bien de l'humeur dans mes dernières lettres, ie me suis bien consultée, bien examinée, ie v͞s trompois, ie me trompois, moimême quand ie v͞s disois que le soupçon étoit loin de mon coeur, ie ne puis être tranquille tant que v͞s serés à Luneuille dans mon absence.
Si ce soupçon flétrit votre goût, il détruit le mien, et assurém͞t mes soupçons sont autrem͞t fondés que les vôtres, rien ne peut nuire plus à vos affaires que d'être à Luneuille quand le r. ariuera. V͞s aués fait assés preuue d'attachem͞t en restant […] l'absence passé trois semaines à Nanci de suite. Si v͞s voulés retrouuer mon coeur, et que ie parte, mais songés qu'on est huit jours à receuoir réponse, que le tems passe, et que ie ne m'arangerai d'une manière fixe et déterminée pour partir que ie ne sache que v͞s partés pour Nanci. Mettés cette paix entre nous, peutêtre serois je asés faible p͞r v͞s aimer et p͞r acoucher à Luneuille qu'and même v͞s n'iriés pas à Nanci, mais ie serois malheureuse et tourmentée et ie v͞s tourmenterois. Il n'y a que ce sacrifice qui puisse remettre le calme dans mon coeur, et ie ne v͞s vois aucune raison de me le refuser. Le che͞r de Listenai, que cela aflige, y consent et est témoin de la nécessité dont cela est à mon bonheur. Adieu, mandés moi donc positiuem͞t que v͞s partés, et si v͞s aués reçu les reliefs et la gratification. Il se perd des lettres, i'en suis sûre, ainsi ie voudrois l'être que celles là ne le sont pas. Songés que tout le monde croit que v͞s êtes racomodé, qu'on me le mande, que le V. est quitté, et qu'il suffit qu'on le dise, et que ie le craigne p͞r me tranquilliser. Faites que ie vous aime sans me reprocher, sans craindre d'être malheureuse, sans regreter ma tranquilité, sans chercher les moiens de la ratraper. Mes couches sans v͞s seroient le seul, ne m'i forcés pas, i'en mourerois peutêtre, car ie puis prendre tout sur moi, hors de ne v͞s pas aimer, ie crois que cela surpasse mes forces.

à Trianon ce 27 [April 1749]