L'Abé m'auoit mandé que la pauure petite mignoneétoit hors d'affaire, et qu'elle n'auoit eu qu'un accès de fièure en 4 jours, mais votre lettre du 26 me rend toutes mes inquiétudes.
Ie vous prie de m'en doner des nouuelles, ie suis bien fâchée de n'être pas auec v͞s quand ie v͞s sais triste et inquiète, c'est alors que notre séparation me deuient insuportable, mais ie v͞s jure qu'elle m'est toujours amère, et que v͞s êtes d'une nécessité indispensable p͞r mon bonheur.
I'ay eu vne bien plus grande peur que v͞s, et ie l'ai gardée pendant 10 jours jusqu'à l'ariuée du prince. I'ay bien fait de ne v͞s pas inquiéter dans vn tems où v͞s n'auiés pas encore de preuue que ce fût vne fausse alarme. Ie suis sûre par la manière dont m. de B. m'a traitée, par l'air qu'il auoit ici, et surtout par ce que v͞s me mandés de ses lettres à v͞s que le malheur que n͞s craignions n'est pas ariué, mais il est certain que votre lettre au V. a été perduë, et que ie ne lui en ai rendu qu'une qui étoit celle du quiproquo et que le p. v͞s a renouié, ainsi ni le vicomte ni moi n'auons reçu la lettre que v͞s lui auiés escrit. Voiés ce qu'elle peut être deuenuë, car cela n'est point bon à égarer. Votre réponse à la lettre que ie vous ai escrit par mr de Listenai me décidera sur bien des choses. Ie v͞s prie de ne la pas retarder, cependant ie vous auoue que ie m'arange pour partir le plutôt que ie pourai, car ie ne puis croire que le r. ait changé d'auis, ni vous non plus, cependant, pour me décider tout à fait, il me faut vne réponse de v͞s bien positiue. Le r. me paroit bien fâché d'auoir dit qu'il n'iroit pas à sa première saison de Plombieres, et ie crois qu'il se dédira. Chargés moi de choses vagues que ie dirai come de moimême, que l'abé en escrive aussi come de luimême, ce qui, come v͞s saués, ne lui ariue que trop souuent, et v͞s atraperés le tems où ie serai auec vous, et peutêtre celui où v͞s le verés, et alors v͞s prendrés votre parti. I'esclaire sa conduite le plus qu'il m'est posible, ie ne le crois pas d'une fidélité bien éxacte, mais je crois aussi qu'il n'i a rien qu'il aime autant que vous.
Le jour que le r. partit il y eut vn comité entre lui, mlle, le p. et m. de la Galaisiere sur ses régim͞ts. Le p. m'a dit qu'il y fut arêté que le r. demanderoit lors qu'on les assemblera l'année prochaine au mois d'août, car ce ne sera que l'anée prochaine qu'on les conserue, et alors il nomera 3 colonels nouueaux, car Polig. ni Mont. ne le sont plus. S'il veut fauoriser Polig. il nomera Lamb. au sien p͞r ses 10 mille frans oferts, car il ne faut jamais sortir de là, et st L….à celui de Tianges pour le conseruer à Patot, et il en donera les 2 cent loüis que cependant le r. peut ne point faire doner, mais qu'il aura toujours tout prêts et qu'il donera sans regret. L'affaire de m. Debelac sera finie avant ce tems, ainsi i'ay peur que la resource de Rem. ne n͞s manque, mais Patot viendra à notre secours, et ie suis sûre, du moins le p. me l'a dit, que mlle n'a demandé que celui de P. ou de Mont. mais qu'elle a laissé celui de Tiange p͞r m. votre fils. S'il en étoit autrement, ie comte sur Patot et sur votre fermeté, elle n'a rien à dire quand le r. fera auoir à son l. un régim͞t pour les 10 mille frans qu'il en a ofert, et ie ne vois pas que la manière dont elle s'est portée à faire ce dont v͞s la priés dans votre lettre doiue vous engager à abandoner sur cela uos intérêts p͞r les siens, ce n'est pas vn auantage p͞r la petite Lambertie que v͞s aimés auec raison. Il faudroit à son mari quelque chose qui l'en débarasât, et ie crois que l'intérêt du mari seul v͞s touche peu, en vérité est il juste de préférer vn home qui a quitté le seruice et qui n'a pas vu tirer vn coup de fusil à quelqu'un qui a bien servi? Ie sais par mon expérience que ces sortes de raisons n'ont jamais rien décidé, mais cela me réuolte toujours. Mais ce qui décidera p͞r n͞s ce sera vous et l'intérêt de Patot, d'autant plus que le Lamb. aura son fait. Voilà qui est dit p͞r jusqu'à ce que n͞s n͞s voions mais il est important de ménager sur cela l'esprit du r. de longue main.
Ie v͞s ai mané qu'il me laissoit le petit apartem͞t de la reine, il ferme le grand, et i'en suis bien aise, je n'aurai plus cette piere d'achopem͞t. On pasera par l'escalier de la Marsane et qui rend à son petit escalier, et il m'a promis vn petit escalier dans la chambre verte p͞r aller dans le bosquet, ce qui me sera fort vtile dans mon dernier mois où il faudra me promener malgré que i'en aie. Ce poura même être tout l'été le pasage du roy p͞r venir chés moi, de son peron il n'i aura qu'un pas.
Ie v͞s ai dit que l'aimable cheualier étoit dehors, i'en ai vne d'une adresse charmante et du seruice du monde le plus agréable, mais c'est vne des grandes ….que v͞s aiés jamais vue. Enfin excédée de toutes ces espèces, mlle la Fons m'a ofert ses services, et ie les ai acceptés. Elle ne sait pas attacher vne épingle, mais elle est afectionée et elle sait gouuerner en couche. Ie n'aurais pas imaginé de le lui proposer à cause de sa petite fille, mais elle s'en est détachée d'elle même. M. de la Fons restera ici p͞r nos comisions et p͞r aranger Argenteuil, et v͞s aurés mlle la Fons. Elle a vn grand mérite à mes yeux qui est d'être femme de m. de la Fons, n'aije pas mieux fait que de risquer de trouuer encore vne espèce? La Cheualier est placée, et c'est vn repos d'esprit p͞r moi car elle me faisoit pitié.
Le p. m'a dit qu'il étoit chargé de me demander des ponpons cramoisi et argent mais il n'en a rien fait. Si v͞s en voulés, mandés le moi en droiture. I'ay dit au vicomte de ne plus se seruir de l'adresse de l'abé et de s'adresser à moi, tant que je serai ici, et moi, ie me seruirai du couuert de Panpan, en v͞s remerciant d'auoir fait partir m. du Chatelet. Il l'est de jeudi auec son fils. Depuis quelque tems, ie suis moins contente de mon fils, ie ne sais s'il m'aime autant qu'il le deuroit. Il n'a pas trop bien pris ma grosese, et il se done les airs de n'être pas content de 2 mille escus de rente que ie lui ai arangé. Pour peu qu'il continue il n'en aura que quatre, car ie lui ôterai la pension de 2400lt que je lui fais, et le laiserai auec son régim͞t et sa charge, autant i'aurois fait p͞r lui par amitié autant i'en ferai peu p͞r vne âme intéresée. V͞s serés au fait s'il v͞s parle, ie ne crois pas qu'il l'ose, mais v͞s conoitrés mieux que moi si ie me trompe, surtout sur son amitié p͞r moi, qui est ce qui m'intéresse le plus. Ie v͞s prie de le prendre vn peu sous votre gouvernem͞t, de ne le pas gâter par trop de bonté, et de me mander auec vérité ce que v͞s pensés de son caractère. Mais j'aime Brassac, estce qu'il vouloit être à la fois chambelan et premier gentilhome de la chambre? Voilà vn étrange home. Meuse qui est àprésent à Sorei a eu vne scène très viue auec le r. au sujet du duché de m. de Taillebour. Il a soutenu qu'il lui auoit promis de le faire duc, le roy lui dit que cela n'étoit pas vrai, et qu'il ne le seroit jamais. La scène a été très violente, m͞e Pompad. a racomodé cela, et Meuse a soupé depuis à Marli auec le roy auant de partir. L'auriés v͞s cru capable d'auoir vne scène? Saués v͞s ce que dit m. de Talmont sur son duché quand on lui en fait compliment? Le roi a voulu anéantir les prétensions de notre maison, en me faisant duc, il faut bien soufrir ce qu'on ne peut empêcher. Si sa femme lui escrivoit je croirois bien que ce propos là n'est pas de lui, mais i'espère qu'il ne v͞s paraitra pas mauuais. On trouue que le roy par cette grâce a fait vne réponse très polie à la lettre de md de Talmont à mr de Maurepas au sujet du p. Edouard. Le Maurepas est parti au désespoir, il n'en auoit pas le plus petit soupçon. Vale, et me ama, tu eris semper deliciæ animæ meæ. Voilà vn petit tème!
Le r. est plein de bone volonté pour ma petite maison, et l'a fait meubler sans que je lui aie demandé. Parlés-lui en quelquefois et aiés l'air de vous y intéresser.
ce 3 may [1749]