De Lislabelle Le 5 8bre 1738
Au gré de ces transports qu'un noble effort égare
Je voulois, chantre ambitieux,
Egalant La voix de Pindare,
Elever mes acords jusqu'au séjour des cieux.
Je ne célébrois point Théron dans la Carrière
Poussant un char étincelant,
Ny cette sage Meurtière
Qui fit mordre La Terre à Mirmillon sanglant.
Emilie et Voltaire ofroient plus à ma Lyre
Par leurs Talens et leurs travaux,
Aux Combats de Plaire et d'écrire
Emilie et Voltaire ont vaincu Les héros.
Emilie Oubliant en une solitude
Ses atraits, L'ornement des Cours,
Consacre à La pénible Etude
Ses jours qu'elle devoit aux festes des amours.
On L'a vüe audessus des tendres Deshouillieres
Et des galantes Scuderis
De la science ouvrant Les Barrières,
Aux Mairans étonnés disputer d'autres prix.
Rival de Xenophon, d'Euclide et de Virgile
Et toujours illustre à son choix,
Compagnon d'Horace et d'Eschile,
Voltaire soutient seul Le Parnasse françois.
Sous cent Lauriers vaincüe et jamais étouffée
L'envie irrite ses serpens,
Mais il en orne son Trophée
Et Leur coupable effort excite ses talens.
Je chantois ces exploits quand un Démon impie,
Armé de feux et de frimats,
De Voltaire attaque La vie
Et renait chaque jour pour de nouveaux combats.
Tu sentis, Emilie, une douleur égale
A celle dont Nise est frapé,
Quand il voit L'œil cher d'Euriale,
Cet œil qui Le cher choit, de nuit envelopé.
De ma Lyre aussitost Les Cordes détendües
Rendirent un son douloureux
Et Levant mes mains vers les Nües
J'implorois en tremblant La justice des Dieux.