5 septembre [1731]
Mon cher ami, j’écrivis avant-hier à m. de Cideville un petit mot qui doit vous plaire à tous deux; c'est que je corrige Eryphyle; elle n'est encore digne ni de vous ni du public, ni même de moi chétif. J'avais cru facilement que les beautés de détail qui y sont répandues, couvriraient les défauts que je cherchais à me cacher. Il ne faut plus se faire illusion; il faut ôter les défauts, et augmenter encore les beautés. L'arrivée de Théandre au troisième acte, ce qu'il dit au quatrième et à la fin de ce même quatrième acte, me paraissent capables de tout gâter. Il y a encore à retoucher au cinquième. Mais quand tout cela sera fait, et que j'aurai passé sur l'ouvrage le vernis d'une belle poésie, j'ose croire que cette tragédie ne fera point déshonneur à ceux qui en ont eu les prémices, à mes chers amis de Rouen, que j'aimerai toute ma vie, et à qui je soumettrai toujours tout ce que je ferai. Vous m'avez envoyé tous deux des vers charmants, et je n'y ai pas répondu.
Je vous en dirais bien davantage sans les douleurs où je suis. Rien ne pouvait les suspendre que votre charmante épître.