1741-09-27, de — Seguy à Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise Du Châtelet-Lomont.

…Je sens combien la démarche que je lui ai proposée est délicate et quels ménagements il se doit à lui même.
Je n'ai garde d'exiger rien de lui qui puisse lui faire tort. Mais je ne saurais non plus me contenter tout à fait de la lettre que vous m'annoncez de sa part. Qu'est ce, en effet, pour l'honneur de m. Rousseau qu'une lettre où m. de Voltaire me dira simplement qu'il fait cas de ses bons ouvrages et de son talent pour la poésie? Laissons ces distinctions de bons ouvrages qui en supposent de mauvais et qui ne réparent rien. Ne parlons pas même d'ouvrages, si vous le voulez. Parlons d'estime en général, de façon que ce sentiment puisse tomber sur la personne et sur les écrits. Telle est la nature de cette action qu'elle ne peut être honorable à m. de Voltaire et à m. Rousseau qu'autant que l'envie de réparer le mal fait à ce dernier, la franchise, la bonne foi et même la bonne grâce y paraîtront. C'est ainsi que j'ai l'honneur d'en écrire à m. de Voltaire et j'ai trop bonne opinion de lui pour craindre qu'il puisse en être blessé….