à Bruxelles ce 1 avril 1741
On m'a dit mademoiselle deux nouvelles aux quelles tout le monde doit également s'intéresser, que vous êtes malade, et que vous renoncez au téâtre.
Pour moy je m'intéresse plus à votre santé qu'aux plaisirs de Paris; et quelques soient vos talents je crois que vous êtes plus nécessaire encore à la société qu'à la comédie.
On dit que M. votre frère a quitté aussi par dégoust. Il n'y a que des barbares qui puissent décourager les talents. Je plains la comédie et Paris. Il me semble que les arts n'y sont pas favorablement traittez. On sentira du moins votre perte et celle de monsieur votre frère. Voylà comme on en use avec les personnes à grands talents, on les néglige, ou on les persécute quand ils servent; on les regrette quand on les a perdus.
Je vois qu'il n'est plus question de Mahomet et qu'il faut que je renonce pour toujours à un art avec le quel vous m'aviez réconcilié. Tout tend en France à l'extinction totale du bon goust, mais il subsistera tant que vous vivrez. Donnez moy je vous prie mademoiselle des nouvelles de votre santé et croyez que vous n'aurez jamais de serviteur plus véritablement attaché que moy.
V.