1757-03-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Sébastien Dupont.

Mon cher amy, les Crammer ont dû vous envoier cette esquisse des sottises et des atrocitez humaines depuis l'illustre brigand Charlemagne surnommé le saint jusqu'à nos ridicules jours.
Plus je lis et plus je vois les hommes, plus je regrette votre société. Je vis pourtant dans le pays le plus libre et le plus tranquile de la terre, et où il y a de l'esprit et des talents. Si je vous disais qu'à Lausane nous avons joué Zaire mieux qu'à la comédie de Paris, que nous jouons aujourdui l'enfant prodigue, que dans peu de jours nous représentons une pièce nouvelle, que nous avons un très joli téâtre, que notre société chante des opéra buffe après la grande pièce, qu'on donne des rafraîchissements à tous les spectateurs, qu'ensuitte on fait des soupers excellents, me croiriez vous? Cela n'est pas d'usage à Colmar. Mais en récompense vous avez des jésuittes et des capucins. Soyez bien sûr que je vous regrette au milieu de tous nos plaisirs. Ils étaient faits pour vous. Voulez vous bien avoir la bonté de demander pour moy au libraire Sphœflin deux exemplaires des annales de l'empire? Je vous serai très obligé. Il n'aurait qu'à les faire remettre au coche à mon adresse à Lausane. Je luy en pairai le prix, ou je luy enverrai l'essay sur l'hist. générale à son choix. Je vous serai très obligé. Mille respects je vous en prie à M. le premier président, et à madame la première. Madame Denis nous vous regrettons également, nous vous aimerons toujours. Nous en disons autant à madame du Pont.