1757-03-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Je n'entends point parler de vous mon ancien ami, depuis que vous lisez l'histoire des sottises humaines depuis Charlemagne.
Je voudrais bien savoir aussi ce que c'est qu'un porte feuille trouvé. On me met en pièces, on se divise mes vétements, et on jette le sort sur ma robe.

Je voudrais que vous eussiez passé l'hiver avec moy à Lausane, si vous n'aviez été enchaîné selon votre louable coutume au char des jeunes et belles dames. Vous auriez vu jouer Zaire en Suisse mieux qu'on ne la joüe à Paris, vous auriez entendu la serva padrona sur un joli téâtre, vous y verriez des pièces nouvelles exécutées par des acteurs excellents, les étrangers acourir de trente lieues à la ronde et mon pays roman, mes beaux rivages du lac Leman devenus l'azile des arts, des plaisirs et du goust, tandis qu'à Paris la secte des margouillistes occupe les esprits, que le parlement et l'archevêque bataillent pour une place à l'hôpital et pour des billets de confession, qu'on ne rend point la justice et qu'enfin on assassine un Roy. Jouissez de tant de charmes et de tant de gloire messieurs les parisiens et aplaudissez encor au Catilina de Crébillon.

Je vous embrasse tendrement quoy que vous me négligiez furieusement.

V.