à Monrion près de Lausane 20 mars [1757]
Je ne sçais mon cher confrère si je vous ay remercié de votre roman que je n'ay pu encor lire parce que je ne l'ay point reçu.
Mais au lieu de vous remercier je vous félicite. On ne me parle que de son succez dans touttes les lettres de Paris. Madame Denis ne peut si tôt vous écrire. Elle joue, elle apprend des rôles, elle est entourée de tailleurs, de coeffeuses et d'acteurs. Il n'y a point de Zulime. Je ne sçais ce que c'est, et je veux que ny vous ny madelle Clairon ni moy ne le sachions. Mais il y a une Fanime un peu différente. Nous l'avons jouée à Lausane dans notre pays roman, et tout ce que je souhaitte c'est qu'elle soit aussi bien jouée à Paris. Je n'ay jamais vu verser tant de larmes. Nous avons icy environ deux cent personnes qui valent bien le parterre de Paris, qui n'écoutent que leur cœur, qui ont baucoup d'esprit, qui ignorent les caballes, et qui auraient siflé le Catilina de Crébillon. Je vous embrasse, je me meurs d'envie de lire le roman. Made Denis vous en dira davantage quand elle poura.
V.