1757-04-03, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Élisabeth de Dompierre de Fontaine, marquise de Florian.

Que devient le char de guerre? tourne-t-il? est il bien armé? déconfira-t-il bataillons et escadrons?
C'est ce que je demande à mon capitaine. Je le félicite des arrangements utiles qu'il a faits. Un bon carrosse à Paris, vaut bien un char de guerre. Je le supplie d'ailleurs de se souvenir des habitants des Délices qui lui seront toujours attachés. Damiens est donc mort avec son secret! Ce secret n'était donc autre chose que la démence d'une âme abominable!

Votre Paris aime les spectacles: tout le monde était à la comédie le samedi et à la Grève le lundi. Je reconnais bien là mes parisiens.

Je me flatte, ma chère nièce, que votre santé renaît avec les beaux jours, que vous jouissez d'une vie agréable avec votre frère, votre fils, et vos amis. Je les embrasse tous. Made Denis vous a rendu compte de nos petites fêtes; mais sa modestie ne lui aura pas permis de vous dire avec quelle prodigieuse supériorité elle a joué le premier rôle de la pièce nouvelle. Elle a fait verser bien des larmes. Songez bien toujours que ce sont des larmes françaises, et non des larmes suisses. Je vous ai déjà dit que tout est français à Lausanne; et que c'est sans contredit la province de France où il y a le plus d'esprit. J'aurais voulu que vous eussiez pu passer un été aux Délices, et un hiver à Lausanne. Votre maladie vous a empêché de connaître ce que nous valons.

Bonsoir, ma chère nièce; me voici d'aujourd'hui suisse tout à fait. Je viens d'acquérir une jolie maisonà Lausanne pour neuf années. Cela est bien insolent à mon âge: mais la maison est charmante; elle donne envie d'y vivre; je suis logé à la ville et à la campagne de façon à vous bien recevoir dans toutes les saisons.