1775-12-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Mon cher ange s'est-il aperçu qu'un jeune homme comme moi est bien volage?
qu'il court de plaisir en plaisir, et qu'il néglige ceux auxquels il est le plus tendrement attaché?

Je ne sais si vous avez la grippe qui court tout le roiaume et qui a bien molesté nôtre petit païs, quoi qu'il ne soit plus des cinq grosses fermes.

J'ai peur pour Madame De st Julien qui n'a pas la poitrine aussi bonne que le cœur, et qui ne m'a point écrit depuis un mois.

J'ai écrit à M: Le Mal De Duras en conséquence de ce que vous aviez eu la bonté de me mander. Il m'a répondu de la manière la plus satisfesante. Joignez vous à moi, je vous en prie, mon cher ange, et daignez faire valoir mes remerciements. Surtout recevez les miens, car c'est vous qui avez tout fait selon vôtre louable et généreuse coutume.

Je crois bien que la chose peut fournir un assez beau spectacle à Versailles, et que le parlement de Rome peut fraper les yeux en robe rouge. Mais je doute fort que Cicéron puisse plaire beaucoup au milieu des bals et du carnaval.

Je pourais dans quelque tems vous envoier des bagatelles qui ne vous amuseraient pas d'avantage, mais qui pourtant pouraient vous inspirer quelque curiosité. Il faut s'amuser jusqu'au dernier moment. Vous savez que mes derniers moments doivent vous être consacrés.

V.