11e xbre 1767
Monsieur,
Vous m'étonnez de vouloir lire des bagatelles quand vous êtes occupé à déploier vôtre éloquence sur les choses les plus sérieuses.
Mais Caton allait à cheval sur un bâton avec un enfant après s'être fait admirer dans le sénat. Je suis un vieil enfant; vous voulez vous amuser de mes rêveries, elles sont à vos ordres; mais la difficulté est de les faire voiager. Les commis à la douane des pensées sont inéxorables. Je me ferais d'ailleurs, Monsieur, un vrai plaisir de vous procurer quelques livres nouveaux qui valent infiniment mieux que les miens, mais je ne répondrais pas de leur catholicité. Ce qui me rassurerait, c'est que le meilleur raporteur du conseil doit avoir sous les yeux toutes les pièces des deux parties.
Si vous pouvez, Monsieur, m'indiquer une voie sûre, je ne manquerai pas de vous obéïr ponctuellement.
J'ose me flatter que vous ferez bientôt triompher l'innocence des Sirven, que vous serez comblé de gloire; soiez sûr que tout le roiaume vous bénira. Vous détruirez à la fois le préjugé le plus absurde, et la persécution la plus abominable.
J'ai l'honneur d'être avec autant d'estime que de respect
Monsieur
Vôtre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
Vous me pardonnerez de pas vous écrire de ma main, Mes maladies et mes yeux ne me le permettent pas.